3-6 juil. 2017 Université de Picardie Jules Verne - Pôle Arts - La Teinturerie - 30, rue des Teinturiers - AMIENS - Salle 304 (France)
La mise en scène de l'autorité : mener des entretiens filmés avec des élus locaux
Matthijs Gardenier  1@  
1 : Université Paul Valery Montpellier 3
Université Paul Valery Montpellier 3

Cette proposition de communication entend retranscrire des interrogations rencontrées au cours du tournage d'un documentaire à caractère sociologique, Amateurs d'ordre. Celui-ci a pour objectif de dresser un tableau des renouveaux du phénomène qu'est le vigilantisme en France[1].

Réalisé par Benoit Mars, il est produit par Acronyme Films et Pages et images, des sociétés de production montpelliéraines. Sous forme de série documentaire interactive, il sera diffusé sur Rue 89. L'auteur de cette contribution joue à la fois le rôle de producteur délégué et d'expert scientifique[2].

Le documentaire porte sur trois terrains différents : les groupes anti-migrants basés à Calais (Sauvons Calais et Calaisiens en colère), les groupes anti-zadistes de Sivens, et le phénomène des Voisins Vigilants dans le Sud de la France (Languedoc-Roussillon). Au cours du tournage, nous avons mené un certain nombre d'entretiens avec les pouvoirs publics, principalement des responsables de collectivités territoriales.

Dans cette communication, nous aimerions nous poser la question de comment mener les entretiens avec des représentants des pouvoirs publics. Nous avons ainsi rencontré avec plusieurs maires et adjoints au maire (Coulogne, Calais, Hénin-Beaumont Vendargues, etc.).

Nous avons pu dégager plusieurs enjeux. Nous nous retrouvons face à des professionnels de la parole qui veulent mettre en avant leur agenda, leurs actions, avant tout paraitre sous le meilleur jour possible.

Ainsi les techniques classiques d'entretien semi-directif ne fonctionnent pas de manière optimale. Lors d'un entretien avec le premier adjoint au maire de Calais (Emmanuel Agius), nous avons ainsi eu énormément de mal à arriver à le faire répondre aux questions. Celui-ci répondait « à côté » des questions et lorsque nous le laissions s'exprimer « librement », celui-ci amenait un discours formaté en répondant qu'assez peu à nos interrogations.

Nous adresserons aussi dans cette communication les éléments de mise en scène que les élus entendent amener lors des interviews : le positionnement vis-à-vis de la caméra, la mise en scène dans des bureaux luxueux et empreints de gravitas, le placement dans le champ de symboles républicains (drapeaux, bustes de Marianne) sont autant de manières d'acquérir une posture d'autorité vis-à-vis du spectateur, mais aussi du sociologue qui mène l'entretien.

Nous pourrons aussi classer les édiles rencontrés par rapport à leur professionnalisme à la caméra. A Calais et Hénin-Beaumont, nous avons affaire à des communicants dont les propos sont très mesurés alors que dans des plus petites communes ces techniques sont beaucoup moins manifestes.

Enfin nous poserons la question du rapport aux faits. Alors que des concepts tels que « post-vérité » et « fait alternatifs » alimentent des controverses médiatiques, nous retrouvons ces questionnements dans notre enquête de terrain, notamment en ce qui concerne les liens entre la mairie de Calais et le groupe anti-migrants Sauvons Calais.


[1]Nous reprenons la définition du vigilantisme de Favarel-Garrigues et Gayer qui le conçoivent comme « un certain nombre de pratiques collectives coercitives, mises en oeuvre par des acteurs non étatiques afin de faire respecter certaines normes (sociales ou juridiques) et/ou d'exercer la « justice »».


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