3-6 juil. 2017 Université de Picardie Jules Verne - Pôle Arts - La Teinturerie - 30, rue des Teinturiers - AMIENS - Salle 304 (France)
La création comme résistance ? Le cas des fêtes clandestines dans les friches industrielles du Havre. La question de la visibilisation d'une révolte invisible.
Alexandra Tilman  1@  
1 : Centre Pierre Naville  (CPN)  -  Site web
Université d'Evry-Val d'Essonne
Boulevard François Mitterrand, 91025 Evry Cedex -  France

Dans les années 1990 les travellers anglais, organisateurs de free parties, fêtes techno clandestines, débarquent au Havre, fuyant la répression mise en place par la politique thatchérienne. Suivant ce modèle, les jeunes français s'approprient les anciennes usines, les docks abandonnés, les champs en friche pour y organiser des fêtes regroupant des centaines de personnes de façon clandestine, gratuite et autogérée. La musique techno résonne contre les parois de tôles ondulées, l'ambiance est néo-punk, industrielle, hardcore.

Dans la ville du Havre, ce mouvement prend une place importante. Situé en Haute-Normandie Le Havre est une ville emblématique de la transformation du monde industriel non seulement en France mais aussi du point de vue des relations internationales de par sa situation portuaire, point d'entrée important des marchandises en Europe. Son architecture d'après guerre réalisée par Auguste Perret, son port industriel, le plus grand port de conteneur de France, ses usines et en particulier l'immense raffinerie qui marque la frontière entre la campagne normande et l'agglomération havraise, forment un paysage impressionnant et significatif d'une histoire moderne fissurée. C'est dans ces fissures que s'installent les déviances envisagées ici comme autant de formes de résistances à l'effacement dans un monde en crise. Puis, les politiques de réaménagement et de « redynamisation du territoire » impulsé autour de 2005 lorsque la ville fut classée patrimoine de l'Unesco pour « son utilisation innovante du béton », ainsi que les lois répressives envers les rassemblements festifs éteignent cette forme spécifique du mouvement, celle de la réappropriation des lieux industriels abandonnés.

En m'appuyant sur mon travail de thèse, soutenu en juin 2014, et qui a pour objet un film documentaire intitulé Cadences dont je diffuserai des extraits, j'interrogerai en terme de « réappropriation des lieux » ce mouvement créatif éphémère, ambivalent, entre destruction et création, entre autodestruction et production collective. Je questionnerai le passage entre un mouvement créatif marginal devenu phénomène « à la mode » lorsqu'on l'institutionnalise et par là, qu'on le rend visible. Cette réflexion mènera à une pensée réflexive sur le fait de réaliser un film dans le cadre d'une recherche sociologique sur une marginalité déviante.


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