3-6 juil. 2017 Université de Picardie Jules Verne - Pôle Arts - La Teinturerie - 30, rue des Teinturiers - AMIENS - Salle 304 (France)

Liste des intervenants > Maurines Béatrice

Filmer des projets d'alimentation locale par l'étude des relations de pouvoir entre Collectifs de l'Economie social et solidaire et acteurs politiques
Béatrice Maurines  1@  
1 : Centre Max Weber  (CMW)
Université Jean Monnet - Saint-Etienne, École Normale Supérieure (ENS) - Lyon, CNRS : UMR5283, Université Lumière - Lyon II

Dans le cadre du RT 47 nous privilégierons un travail sur une production filmique qui rend compte d'un processus de longue durée entrepris auprès des acteurs de l'ESS et d'élus travaillant à l'émergence de la relocalisation agricole en zone urbaine. Dans ce travail avec l'image est favorisé au préalable de l'arrivée de la caméra, une bonne connaissance des acteurs de terrain. L'observation régulière -entre autre avec la caméra- permet de comprendre d'une part, ce qui se passe en réunion dans le portage de projet collectif et, d'autre part, de tester l'hypothèse de l'existence de pouvoirs tacites entre acteurs. Ces derniers s'expriment par des postures corporelles, des positionnements dans l'espace tout autant que dans les manières de dire de ces deux collectifs d'acteurs. Ces pouvoirs ne s'organisent pas et n'ont pas les mêmes référents d'action pour chaque partenaire que l'on soit dans le champ de l'ESS ou élu. Les deux groupes adaptent leurs intérêts au regard de leur champ d'action possible. Le travail filmique ne tend pas à montrer des logiques radicales fortes et contestataires opposant politique publique à des collectifs alternatifs mais plutôt comment chacun essaie de composer avec les « autres ». Ces « autres » sont positionnés de façon différenciée sur l'échiquier de la militance associative et du politique. La caméra peut en rendre compte dans un travail de proximité avec ces différents collectifs « autres » dans lequel la chercheuse construit une posture du « faire avec » dans les différentes communautés d'action (Maurines, 2015). La légitimité du dispositif filmique intervient de façon opportune de part et d'autres des groupes d'acteurs lorsqu'une confiance tacite est en place.

Toutefois, il est difficile de rendre compte de ce processus relationnel lent et émergent, positionné entre pouvoir et contre pouvoir, dans une narration filmique pour de non initiés de cet objet de recherche ; ce problème est décuplé de façon encore plus importante quand il s'agit d'en faire une communication de quelques minutes dans un séminaire ou un colloque. En effet, comment rendre compte de façon pertinente par l'image ce qui est diffus dans l'observation de réunion (L'Estoile, 2015, Mondada, 2005) ?

 

De fait, il s'agit au sein de ce RT 47 de rendre compte d'une mise au travail et d'interrogation plus que d'un protocole de recherche stabilisé. Pour ce faire nous proposons de travailler sur des rushs montés par séquence qui traitent des notions de pouvoirs et de contre pouvoirs à partir d'un film en cours de réalisation sur les systèmes alimentaires durables locaux. Le projet de film prend appui sur une étude ethnographique portant sur l'émergence de la question de l'alimentation durable dans l'agglomération lyonnaise. Cette alimentation en circuits courts est prise en charge depuis la fin des années 2010 par des collectifs alternatifs dans le champ de l'économie solidaire qui prônent une autre manière de consommer et de travailler (Maurines 2014). L'étude révèle ainsi une manière de faire, de croire autour d'un mode de vie écologique (Pruvost, 2013) qui n'est pas en phase dans les années 2010 avec les politiques publiques locales. Les acteurs s'activent pour constituer une cause alimentaire qui s'oppose dans les façons de faire, de produire, de transformer et de consommer aux modes de production agro-industrielle (Maurines, 2016) mais également aux tentatives de « récupération » institutionnelle locale. En effet, en parallèle s'organisent les prémisses d'une politique publique locale autour de l'économie sociale et solidaire, mais celle-ci est dans un premier temps rejetée par les acteurs associatifs. Cette opposition change en 2016 avec la naissance à Lyon d'un des premiers conseils de développement de l'alimentation français dans lequel siègent les acteurs associatifs du champ de l'ESS qui naguère refusaient le travail en collaboration avec la mairie (Maurines, 2016). Les relations entre ces groupes d'acteurs où les associations essaient de faire valoir une autre manière de produire et de consommer ne signifie pas la même chose pour les acteurs du champ politique qui pourtant parlent et agissent au nom de ces acteurs de l'ESS. Si le politique souhaite rendre compte d'une identité forte et homogène des projets co-portés que nous disent les images filmés des réunions et projets partagés ?

Si la production d'un projet commun autour du développement d'une système alimentaire local est partagé comme un idéal, la production de ce commun indique t-il une transformation des relations de pouvoir entre les différents acteurs ou celles-ci ne font-elles que se déplacer ? Cela introduit une réflexion sur les relations entre pouvoir et résistance et remet en chantier l'étude du micro-politique (Abélès, 2014). Le propos ici est de montrer par l'image animée comment s'articule pouvoir et résistance comme des figures non stables et processuelles.

 

 

Les rushs qui seront montrés portent sur ce que nous apprennent :

 

1- le suivi diachronique de réunion de collectif associé au champ de l'ESS autour de comment se donne à voir des formes alternatives au travail : répartition de la parole entre homme et femme, l'organisation du travail, réflexivité des collectifs. En montrant par ailleurs comment le politique est vécu et se met en œuvre localement.

2- l'émergence de lieux assignés/identifiés du pouvoir : Les lieux des pouvoirs sont facilement identifiables comme les lieux où s'institutionnalise le politique comme une mairie. Les lieux de travail des associations sont quant à porteur d'un idéal d'équité. Quant ces groupes d'acteurs se rencontrent dans les lieux de l'autre, qu'en est il de ces jeux de pouvoir et de contre pouvoir ?

 

Bibliographie

Abéles M. 2014, Penser au delà de l'Etat, Belin 109 p.

Lallier C. 2009, Pour une anthropologie filmée des interactions sociales, Paris Editions des archives contemporaines.

L'Estoile Benoît de (dir.), « Observer en réunion », Genèses, n° 98, 2015

Mondada 2005, L., chercheurs en interaction, commet émergent les savoirs, Presses polytechniques et universitaires romandes

Maurines B., 2015, « Quelles communautés d'action pour les « chercheurs avec images en France »? , Année sociologique, n°65.

Maurines B., Dury C. 2014, Circuits cours : gouverner et innover dans les territoires, film 60 minutes, université Lyon 2, programme PDSR, financement LEADER

Pruvost G., 2013, l'alternative écologique : vivre et travailler autrement, Terrain, 60, 2013, 36-55.

Segaud M., 2010, anthropologie de l'espace, (réédition)


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