3-6 juil. 2017 Université de Picardie Jules Verne - Pôle Arts - La Teinturerie - 30, rue des Teinturiers - AMIENS - Salle 304 (France)

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La Nouba des femmes du Mont Chenoua : Intériorisation de la domination coloniale chez Assia Djebar.
Habiba Chabou  1@  
1 : Paris I Panthéon-Sorbonne
Université Paris I - Panthéon-Sorbonne

« Voici ton pays, ces montagnes, nous y avons été libres ». C'est par cette assertion patriotique et au rythme de la nouba[1] que Lila retrouve son village après un long voyage. Assia Djebar éclaire son personnage, Lila, par la parole et le corps[2].

La Nouba des femmes du Mont Chenoua (1978) est une œuvre politique[3]. Il y a d'abord chez Assia Djebar l'idée de transmission à partir d'une expérience partagée dans le sillage du cinéma-vécu. Ainsi, la grand-mère raconte à sa petite-fille l'histoire de Lala Allala qui fut témoin de la révolte de Beni Menacer ainsi que le récit des martyrs Berkani lors de l'insurrection de 1971 en précisant que : « Celui qui milite pour l'insurrection, vit bienheureux ». Ainsi, ceux qui ont la mémoire racontent pour garder la trace de l'histoire nationale. Ici, le documentaire accélère et/ou catalyse des souvenirs chez la réalisatrice. La mémoire individuelle rejoint ainsi la mémoire collective. Le film correspond à un horizon d'attente tout autant qu'il répond à un devoir de mémoire. La Nouba des femmes du Mont Chenoua est dédié à Yamina Oudaï, dite Zoulikha, qui serait la mère de Lila et qui en 15 et 1956 coordonna la résistance nationale dans région de Cherchell puis arrêtée au maquis à quarante ans avant d'être portée disparue. De même, il est dédié au musicien nationaliste magyar Bela Bartok[4] tout autant qu'il est fait d'emprunts philosophiques et cinématographiques. L'œuvre d'Assia Djebar est donc construite sur une visibilisation du pouvoir colonial en action.

Cette présentation vise à comprendre l'expérience de la domination coloniale à travers des paroles et des images, tout à la fois constructrices et destructrices d'un imaginaire commun et d'une mémoire collective ; à comprendre l'intention de la réalisatrice selon une approche pragmatique ; à voir le film comme une représentation selon une grille d'analyse culturelle : le contexte de création du film (le nationalisme arabe et le cinéma militant européen) et les intentions de la réalisatrice (connaître et faire connaître la guerre de libération nationale et la culture européenne) ; sa diffusion (appropriation, imposition et enracinement) ; sa réception (modification des opinions et des imaginaires).


[1] La nouba veut dire une musique arabo-andalouse. La « Nouba des femmes » désigne ici l'histoire quotidienne des femmes qui parlent « à leur tour ».

[2] MAUSS Marcel, « Les techniques du corps », Le Journal de Psychologie, vol. XXXII, n° 3-4, 15 mars-15 avril 1935.

[3] BHABHA Homi K., Les lieux de la culture. Une théorie postcoloniale, Paris, Payot, 2007.

[4] Bela Bartok se rend en 1913 en Algérie pour étudier la musique populaire.


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